lundi 31 mars 2008

L’aveugle né


Le Verbe parlait dans les ténèbres, sa voix emplissait le cœur d’enfant de tous ceux qui l’écoutaient.
Dieu vivait dans cette Voix, qui surgissait de nulle part, et me parlait tel un Ami éternel dont j’avais oublié l’existence.
Il se pencha vers moi, moi l’aveuglé né, qui ne connaissait point le jour, mais qui pouvait entendre la lumière sonore.

Le poids de sa présence emplissait tout l’espace ; le silence était avec Lui.
Le brouhaha de la plèbe s’était tu.
Tous les curieux qui s'étaient attroupés attendaient le miracle, alors que je vivais une seconde naissance.
Il s’agenouilla à ma hauteur, pris ma tête entre ses mains, et posa ses pouces enduits de terre glaise, sur mes globes atrophiés.

Monde d’échos et de vibrations, la grâce de Dieu m’avait accordé la troisième oreille, au prix de perdre la vision terrestre.
La malédiction cachait une bénédiction, que seul mon cœur comprenait :
le monde pouvait être vu, dans son innocence, privé des yeux de l’espace-temps.
Préservé avais-je été dans mon malheur de la tyrannie du porteur de lumière, le "luci-fer" qui siégeait dans la vision binoculaire du monde.

Se façonnant lui-même une troisième oreille, la relativité du temps et de l’espace n'est perceptible qu'au cœur du silence.
De la perception dualiste du monde, l’illusion de puissance et de grandeur puise sa force vaine.
L’aveugle qui faisait pitié aux yeux de la foule, rencontrait son destin au coin d’une rue achalandée, où arpentaient des passants bohèmes et pressés.

Un Amour infini réveilla le dormeur-tout-puissant somnolant dans les cellules du corps terrestre.
Celui qui parlait par son Amour au feu de l’atome, opérait une naturelle transmutation alchimique, tandis que je m’éveillai.
L’eau du Siloé se mêla au feu conscient, vivant dans les royaumes du quantique.
Lui, le souffle du non-né, transmua la boue en de nouveaux yeux.

L’éveil était la guérison. Pas de miracle, juste un simple et naturel éveil à la troisième vision de nous-même et du monde sans la barrière de l'apparence.
La force de guérison est l’élargissement de notre conscience à l’Amour-Energie qui émeut la matière.
Elle est la foi qui conduit à déplacer les montagnes du passé subconscient.
Passé fait de peurs et d’impossibles ne cèdent que face au Souriant.

Celui qui guérit par un quelconque thaumaturge magique ou scientifique, sans s’éveiller de nouveau, est condamné à retomber dans la maladie.
Aucun mal n’existe qui ne cherche la rédemption d’un nouvel éveil.
Un éveil à la totalité de l’Uni-vers ne passe par aucune autre personne que nous-même.
Le lâcher-prise sur le connu, incarné sous les traits de la maladie, est la voie de l’authentique rédemption.

Celui qui n’était qu’un Passant, parmi tant d’autres, s’arrêta et me fit ce don inestimable.

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